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Montagne Sport Verbier

Rencontre sur le barrage de Mauvoisin

C’est sur le couronnement du barrage de Mauvoisin, dans le Haut Val de Bagnes, que Besson Immobilier a rencontré deux guides de montagne du bureau des guides de Verbier. C’était une fin de journée de juillet et il pleuvait comme vache qui pisse. On s’est donc retrouvé dans le coton et dans l’impossibilité d’admirer le dernier projet qu’ils voulaient nous partager.  L’ambiance était froide, humide et le pouvoir du brouillard nous a très vite fait rejoindre la chaleur du restaurant de Mauvoisin un peu plus bas.

A peine arrivés dans la tanière, des locaux interpellent nos deux montagnards et les questionnent sur leur projet un peu fou. Les quelques bribes de conversation qui nous parviennent nous font immédiatement ressentir un mélange de passion et d’excitation, celui qui émane des gens lorsqu’ils viennent de vivre quelque chose de fort.

Deux hommes et un projet

Les 2 hommes reviennent à notre table. Le premier, Michael Kimber, jeune guide diplômé et grimpeur aguerri, voue une passion particulière pour l’équipement de voies d’escalade dans le Val de Bagnes. Pour lui, cette activité est un voyage, une aventure au long court. Il habite dans le tout petit village de Fionnay. Son complice de cordée, également guide de montagne, Joseph ou Jo Morelli, de quelques dizaines d’années son aîné excelle dans les disciplines reines que sont le ski, l’alpinisme et l’escalade. Des étoiles plein les yeux, ils nous racontent.

 

Une voie d’escalade, datant du début des année 80

En épluchant de vieux topos d’escalade du club alpin, Jo découvre l’existence d’une vieille voie d’escalade « la voie du barrage ». Celle-ci l’intrigue et il se rend immédiatement à moto au sommet du mur du barrage de Mauvoisin afin de jumeler et de trouver le départ. Vue de loin, la paroi semble délitée, austère avec peu d’itinéraires possibles. Puis il navigue au pied des grandes falaises de Pierre à Vire qui se dressent sur plus de 400m. Outre le départ de la voie, il découvre une roche de qualité incroyable, un marbre abrasif et magnifique.  Il y voit du potentiel et appelle Michael.

Après avoir gravi les 3 premières longueurs ensemble, les deux guides enthousiastes et motivés ont une idée bien précise. Ils souhaitent « revisiter » cette belle ligne et la remettre au goût du jour avec un équipement plus moderne. Des questions se posent alors. Quelle est l’histoire de cette voie ? Qui était l’ouvreur de l’époque et comment a-t-il pu ouvrir une voie ici avec le matériel de l’époque ?

 

« La voie du barrage », trait d’union entre 3 générations

C’est Daniel Bruchez, guide de montagne et ancien gardien de la cabane Mont-Fort, qui dans les années 80 a imaginé et équipé ce tracé en solitaire, au tamponnoir*, avec des plaquettes d’acier qu’il découpait, pliait et perçait lui-même. C’est l’une des premières grandes voies ouvertes dans la vallée. Un véritable exploit à relever pour l’époque : l’œuvre d’un pionnier aventurier.

Dans le monde de l’escalade, pour rééquiper une voie, il faut en principe avoir l’aval de son ouvreur. Daniel, très étonné qu’on veuille déterrer ce cadavre, a cependant été très enthousiaste à l’idée qu’on revisite sa voie. Quelques grimpeurs du coin qui avaient osé s’y aventurer s’étaient promis de ne plus y remettre les pieds en raison de l’équipement sommaire et de la difficulté de lecture des passages.

Jo et Michael, avec un immense respect pour leur aîné, ont compris que cette voie est un formidable héritage qu’il faudra aborder avec beaucoup d’humilité. 

Le rêve d’une belle ligne

Une fois le trait d’union relié entre ces 3 générations, il est temps de réaliser ce projet, soit rééquiper cette ancienne voie pour en faire un itinéraire plus adapté à « l’escalade plaisir » d’aujourd’hui.

Place aux longues heures de labeur afin d’évoluer au fil de la grande falaise, tantôt en venant du bas, tantôt du haut. Chercher et trouver le meilleur itinéraire, redessiner la ligne pour la sublimer et la rendre homogène. Imaginer les mouvements et placer les spits* de manière optimale. Pour finir, réaliser un gros travail de purge afin d’éviter toutes les instabilités rocheuses, suivi du nettoyage des vires encombrées de végétation et de pierres.

Un travail titanesque

Équiper des voies est bien plus fatiguant que de pratiquer l’escalade. Il faut relater les galères pour atteindre le sommet des longueurs, le stress de l’ouverture depuis le bas, des sacs qui pèsent leur poids, les brûlures par les mèches de la perforatrice, la poussière dans la figure et des heures à être pendu dans le vide, dans le froid comme dans le cagnard.  La motivation des deux guides est sans limite et ils aiment ça. Ils se remémorent tous les bons moments de rires, de partages et d’échanges, surtout ceux à s’imaginer Daniel à l’époque, tout seul dans les passages les plus compliqués.  Cette complicité a fait naître une véritable amitié, chez ces deux hommes qui se connaissaient à peine.

Nouvelle jeunesse pour la voie du barrage

Après plus de 500 heures passées dans cette voie à lui refaire une beauté, les deux guides nous avouent être très fiers de leur réalisation. C’est désormais l’une des plus longues voies de la vallée avec ses 430 m de développement et ses 12 longueurs. Un réel bijou avec un rocher remarquable, adhérent et souvent abrasif.  Son ascension est un véritable voyage qui, en plus de faire découvrir une succession de roches différentes, offre également une escalade variée, avec des passages techniques en dalles, des murs raides, de la fissure et quelques pas athlétiques. Son équipement est excellent avec des pas bien protégés, des relais confortables et une lecture évidente. Quelques petites surprises agrémentent l’escalade. Deux jolis rappels sympathiques et sans difficultés, après la 5ème et la 7ème longueur et le « musée à Daniel » au relais 10 qui rassemble tous les vieux pitons de l’ouvreur.  Pour terminer, la cerise sur le gâteau, le sommet du voyage offre de jolies vires tapissées des plus belles fleurs alpines ainsi qu’une vue spectaculaire sur le barrage. (Cf. notre article de blog "Océan de fleurs sur les hauteurs du Val de Bagnes" ).

L’équipement de voies est une activité entièrement bénévole. Soutenez l’escalade en Valais et profitez d’un magnifique topo de la région en ligne grâce à votre don à 8a bloc,  qui nous a gentiment fourni le topo de la voie. Soutenez également l’association Plan Vertical qui aide à l’entretien et à l’aménagement des sites d’escalade et fournit conseils et matériel aux équipeurs.

Pour découvrir cette voie en compagnie d’un professionnel, contacter le bureau des guides de Verbier.

Pour vous loger dans la région n'hésitez pas à contacter notre agence par téléphone au +41 27 775 30 60, par mail à info@besson.ch . Plus d'informations sur notre site. 


INFOS TECHNIQUES

 

TD+, 430 m., 6b+ A1 / 6a+ obligatoire, 6c+ / A0 1 p.a., corde double, 13 dégaines, 1 étrier utile pour L11.

Départ : Au bout du barrage rive gauche un chemin avec un cairn mène directement au pied de la voie. 20 minutes.

 

*Tamponnoir : outil utilisé pour forer un trou à l'aide d'un marteau dans une paroi afin d'y insérer un piton

*Spit : point d’ancrage